Par un arrêt du 5 janvier 2022, la Cour d’appel de Paris vient sévèrement sanctionner plusieurs stipulations contractuelles insérées dans les contrats de franchise conclus entre les franchiseurs PIZZA SPRINT et DOMINO’S et les franchisés du réseau.
La cour fait ainsi application du dispositif de l’ancien article L.442-6, I,2° (article L.442-1, I ,2° actuel) du Code de commerce à travers une condamnation record à un montant de 500.000 euros des desdits franchiseurs.
Pour bien cerner la quintessence de cette condamnation, il convient au préalable d’en rappeler les faits.
Le franchiseur PIZZA SPRINT, a cédé son réseau ainsi que l’intégralité des contrats de franchise au réseau leader sur le marché, DOMINO’S. Reste que certains franchisés se sont opposés à ce changement de cap. Ce qui a entrainé des divergences au sein du réseau.
C’est la raison pour laquelle, la DGCCRF a diligenté une enquête, laquelle a révélé des déséquilibres significatifs sous-jacents à la présence de certaines clauses dans ces contrats de franchise. La suite de la procédure ayant conduit à la saisine de la Cour d’appel de Paris après l’assignation des franchiseurs PIZZA SPRINT et DOMINO’S devant le tribunal de commerce de Rennes dans un premier temps.
Prenant position pour les franchisés du réseau, la Cour d’appel de Paris rend une décision qui met en sursis – dans l’attente d’une décision de la Haute juridiction – certaines stipulations courantes dans les contrats de franchise.
Elle censure donc principalement : la clause d’approvisionnement exclusif, la clause de résiliation, la clause pénale, mais aussi et surtout la clause d’intuitu personae.
Assurément, la censure de cette dernière clause, appelle plus que les autres davantage de commentaires. Ainsi, pour la Cour d’appel de Paris la clause d’intuitu personae serait à l’origine d’un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations respectives du franchiseur et des franchisés compte tenu du fait qu’elle ne prévoit pas de réciprocité au bénéfice des franchisés du réseau.
Si en l’espèce cette lecture peut s’entendre en raison des caractères et les effets de la clause censurée, il n’en reste pas moins qu’une telle solution n’emporte pas entièrement conviction (peut prêter le flanc à la critique) et mériterait davantage de précisions.
Dans la pratique des contrats de franchise, la clause d’intuitu personae est généralement aménagée au profit du franchiseur voulant éviter que les franchisés quittent facilement le navire ou cèdent le contrat de franchise au premier venu sans son accord.
La clause d’intuitu personae, en sus de la clause d’inaliénabilité ou d’incessibilité, permet donc d’encadrer les velléités du franchisé à travers un mécanisme de considération directement lié à sa personne. A sa qualité de franchisé.
Dit autrement, le franchiseur conclut le contrat en considération du franchisé et de sa capacité à réitérer le savoir-faire qui lui sera transmis.
La règle se traduit par la considération de la personne du franchisé, corroborée par sa sélection à l’entrée du réseau. De ce point de vue, la clause d’intuitu personae est strictement univoque.
Il y’a une prise en compte par le franchiseur des qualités professionnelles du franchisé.
L’inverse n’est pas forcément vrai.
Le franchisé ne s’engage pas systématiquement en considération de la personne du franchiseur mais vise davantage le profit, l’image de marque et la notoriété du réseau dont il pourrait bénéficier.
Ainsi par exemple, un candidat franchisé d’une chaîne de restauration rapide internationale bien connue, va s’engager avec la seule volonté de bénéficier des avantages attachés à la marque, au savoir-faire et plus encore à l’image du réseau. La considération du franchiseur n’est qu’accessoire voire inexistante.
La prise en compte de la personne du franchiseur n’est donc pas de principe et est tributaire du type de réseau. L’appréciation n’étant pas la même selon que l’on se trouve dans un franchisage de distribution, de service ou de production.
Résolument, dans certains réseaux de franchise, à l’image d’une catégorie de franchisage de service, chaque partie peut contracter en considération de l’autre. C’est par exemple le cas en matière de franchisage de service technologique et informatique ou de services aux entreprises.
La clause d’intuitu personae est dans ce cadre bilatérale. Si bien qu’à certains égards, elle apparaît comme le gage de l’exécution des obligations respectives des parties.
La clause d’intuitu personae est bilatérale en ce qu’elle est que le gage de la parfaite exécution de la prestation attendue par chaque cocontractant, franchiseur et franchisé. En ce sens, la clause d’intuitu personae ne sert qu’à garantir la finalité contractuelle : l’exécution parfaite de l’obligation qui incombe à chacune des parties.
Au profit du franchiseur que le franchisé paie ses redevances et respecte ses prescriptions en matière d’image de marque ou d’usage du savoir-faire. Au profit du franchisé que le franchiseur l’assiste tout au long de son activité et réitère parfaitement son savoir-faire.
De telle manière que cette appréciation ne peut aucunement être généralisée ou étendue à l’ensemble des réseaux de franchise. C’est donc à dire que dans certains cas, la clause d’intuitu personae est nécessairement univoque – et cela se justifie – et dans d’autres, elle est bilatérale. En sorte que dans ces derniers cas, il convient de sanctionner le franchiseur lorsqu’il dévoie cette bilatéralité de la clause.
Il revient donc aux juridictions à travers une analyse casuelle de déterminer si selon les cas et le type de réseau, il s’infère une sorte de bilatéralisme de la clause d’intuitu personae. A contrario, à ne pas juger bilatérale une clause assurément unilatérale et a fortiori à ne pas rendre une décision imprécise et générale qui viendrait à être étendue à l’ensemble des contrats de franchise.
Reste à espérer que la Cour de cassation qui sera amenée à se prononcer prochainement sur l’appréciation de cette clause corrige cette solution qui, en l’état, dénature l’expression de la clause d’intuitu personae dans les contrats de franchise.