La vente de gré à gré d’un immeuble dans le cadre d’une liquidation judiciaire obéit à un régime dérogatoire aux dispositions de l’article L. 145-6-1 du code de commerce comme a pu le rappeler la Cour de cassation dans son arrêt du 23 mars 2022.

Dans les faits, une société a été placée en liquidation judiciaire à travers un jugement du 29 novembre 2017. A ce titre, un liquidateur a été nommé aux fins d’assurer les opérations de liquidation. C’est ainsi que par une première ordonnance du 7 mai 2019, le juge-commissaire a autorisé en application de l’article L.642-18   du code de commerce la vente de gré à gré de l’immeuble dont le débiteur était propriétaire et ce dans l’objectif d’apurer son passif.

Informé de ce projet de cession, un des locataires de l’immeuble a manifesté sa volonté de faire jouer les dispositions de l’article L. 145-6-1 du code de commerce, lequel assurer aux locataires un droit de préemption en cas de vente de l’immeuble.

Le liquidateur a pour sa part considéré que le locataire se trouvait privé de ce droit compte tenu notamment de ce que la vente de gré à gré réalisée dans le cadre d’une liquidation judiciaire constituait « une exception au droit de préférence du preneur commercial ». C’est la raison pour laquelle, par une requête en date du 4 novembre 2019, il a saisi le juge-commissaire afin de voir écarter l’article L. 145-6-1 du code de commerce et in fine de priver le locataire de son droit de préemption.

Au reste, par une ordonnance du 18 décembre 2019, le juge commissaire a rétracté sa première ordonnance et ordonné l’ouverture d’un nouvel appel d’offre visant à l’acquisition de l’immeuble tout en précisant que le locataire ne disposait pas en l’occurrence d’un droit de préemption sur la vente de l’immeuble.

Insatisfait de cette décision, le locataire de l’immeuble interjette appel sur le fondement de l’article R. 642-37-1 du code ce commerce qui ouvre un recours à certains tiers dont les droits et obligations seraient affectés par l’ordonnance du juge-commissaire ayant décidé de la cession des actifs du débiteur.

Si la cour d’appel juge à nouveau que le locataire n’est pas bénéficiaire d’un droit de préemption, elle annule toutefois l’ordonnance du juge-commissaire du 18 décembre 2019 pour excès de pouvoir. Dit autrement, le juge-commissaire aurait commis un excès de pouvoir dès lors qu’il se trouvait dessaisi au sortir de la première ordonnance qu’il avait rendu le 4 novembre 2019. Il en résultait a contrario que seule la voie de l’appel était ouverte au liquidateur afin d’exposer la difficulté relative à la volonté du locataire de faire falloir son droit de préemption.

Le liquidateur   a formé un pourvoi contre cette décision en réitérant une fois de plus que la vente de gré à gré réalisée dans le cadre des dispositions de l’article L.642-18 du code de commerce privait le locataire de son droit de préemption tel qu’énoncé par l’article L. 145-6-1 du code de commerce et qu’au surplus, le locataire ne disposait pas de la qualité pour interjeter appel de l’ordonnance du juge-commissaire.

La Cour de cassation abonde dans ce sens sur le fondement des articles L. 145-6-1, L.642-18 et R. 642-37-1 du code ce commerce.

Ainsi, s’agissant d’une vente de gré à gré réalisée dans une procédure de liquidation judiciaire, le locataire est non seulement privé de son droit de préemption mais encore il n’a pas par conséquent qualité à agir pour interjeter appel de l’ordonnance du juge-commissaire.

La solution est logique. Assurément, dans une vente volontaire dans laquelle le propriétaire n’est pas en procédure collective, l’article L.145-6-1 du code de commerce trouve naturellement à s’appliquer de sorte que son droit de préemption peut être revendiqué. A l’inverse dans une vente judiciaire, le propriétaire n’a plus la main sur la vente de l’immeuble si bien qu’a fortiori le droit de préemption du locataire ne peut plus jouer. La conséquence immédiate est donc que dès le moment où le locataire est privé de son droit de préemption, il ne peut de la même manière pas interjeter appel de l’ordonnance du juge-commissaire rendue en application de l’article L.642-18 sur le fondement de l’article R. 642-37-1 du code ce commerce.

Bref : il est privé de ses droits. Se prévaloir du droit de préemption sur la vente de l’immeuble et interjeter appel de l’ordonnance du juge-commissaire relative à cette vente.

Pour conclure, s’agissant d’une vente judiciaire, les dispositions des articles L.145-6-1 et R.642-37-1 du code ce commerce ne peuvent s’appliquer. Tel est l’enseignement de l’arrêt de la Cour de cassation du 23 mars 2022.